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Léon Gensbittel le charron

Léon Gensbittel le charron
Léon Gensbittel - charron

Hagenbach – 2 février 2012

 

Léon GENSBITTEL : Le charron de Hagenbach, à l’époque des roues à rayons en bois.

Il est décédé le 10 novembre 2002, à l’âge de 91 ans.

 

Le travail de la terre a favorisé autrefois une multitude de petits artisanats ruraux. Le maréchal-ferrant, le forgeron ainsi que le charron,(« Da vu’s krummholtz gemacht hat » qui peut se traduire : celui qui tord le bois), furent de ceux-là. Hagenbach n’a pas fait exception à cette règle. Aujourd’hui bien sûr, avec l’avènement des jantes métalliques et des pneumatiques cette activité est tombée en désuétude. M. Léon GENSBITTEL fut le dernier charron du village.

Au lendemain de la guerre cette corporation des charrons comptait jusqu’à 72 représentants dans l’arrondissement d’Altkirch.

Outre les fameuses roues à rayons, ils pourvoyaient les éleveurs avec toutes sortes de matériels, allant de l’auge à cochon, aux fûts, et de nombreux râteliers d’étable.

Artisan-paysan, comme la plupart de ses confrères, le charron était mieux à même de saisir l’importance de sa présence.

Dans son antre qui embaumait la senteur de bois et où flottait toujours dans l’air un peu de poussière de sciure, il était dans son élément ; c’était un homme qui savait tout faire.

 

Léon GENSBITTEL était né le 22 juillet 1911 à Eglingen, dans une famille nombreuse qui comptait 11 enfants.

Lors de la Première Guerre Mondiale 14-18, la maison natale fût détruite ; durant la guerre de position, situé en hauteur, elle avait été transformée en observatoire par les troupes françaises. Pas moins de 80 obus avaient frappé la maison que les Allemands avaient renoncé à détruire pendant longtemps, en raison du nombre de ses occupants. La famille est évacuée à Retzwiller. A leur retour, le village d’Eglingen était quasiment détruit.

Léon a raconté de son vivant, il allait dans des baraques en bois, qui servaient provisoirement d’école. Puis, il apprendra le métier de charron auprès de son frère Xavier, et il a exercé son métier à Eglingen. Parallèlement il élevait une dizaine de bovins. Cette double activité lui valu de se lever tous les jours avant cinq heures du matin. Avant de manier la scie et les couteaux, il fallait traire et fourrager les bêtes. Il avait obtenu son brevet de compagnon et de maîtrise, mais n’a jamais eu d’apprenti, en raison des charges salariales trop élevées.

 

En 1941, il épousait Jeanne née FREYBURGER, native de Sternenberg. Ils eurent quatre enfants : Marie-Jeanne, Maurice, Solange et Francine, qui à leur tour ont donné une nombreuse descendance.

 

Lors de la 2ème guerre, il sera incorporé de force dans la Wehrmacht en 1944. Une période difficile, ainsi que pour son épouse et leurs deux premiers enfants en bas âge. Ce périple le mènera à travers la France, de Bordeaux à la Normandie, puis à Paris où il verra la Tour Eiffel entourée de barbelée. Il sera de retour en janvier 1945.

 

C’est en 1947 que M. GENSBITTEL et sa famille s’installe à Hagenbach où il a racheté la maison et l’atelier de M. BOETSCH.

Sa compétence dans le métier le fera très rapidement connaître et apprécié des agriculteurs du canton. ». D’une carrure robuste, et grand travailleur M. GENSBITTEL, sera connu dans tout le canton sous le nom de sa profession, qui en dialecte se dit : « Krumholtz ».

 

Avec son épouse, ils s’occupaient d’un terrain de culture, avec quelques vaches, poules, lapins, jusque dans les années 80. Ils entretenaient aussi une petite vigne à Eglingen, et récoltaient le raisin pour la fabrication de son vin rouge.

Mais avec l’arrivée des machines agricoles modernes, sa profession connait un déclin. Alors, il se reconvertira à la menuiserie et à la charpente, et alla travailler dans les entreprises aux alentours. Il prendra sa retraite à l’âge de 65 ans.

 

Il restera un grand bricoleur. Léon GENSBITTEL a vécu sans regret, mais tout de même avec un peu de nostalgie, la mutation qui s’est opérée au lendemain de la seconde guerre mondiale.

 

Après sa retraite, Léon GENSBITTEL continua à veiller les nombreuses machines restées sur place, en entretenant ce patrimoine d’une vie de labeur. Et de temps à autre il maniait encore les ciseaux à bois et se remémorait la belle époque du bois, quand les cultivateurs arrivaient pour des râteaux qui servaient à la fenaison, l’échelle indispensable à la cueillette des cerises, ou une roue de rechange pour une charrette à plateau dont l’essieu avait cassé. Aussi l’âge d’or de la profession fut sans conteste l’entre-deux guerres. Pendant la période hivernale il préparait jusqu’à 130 roues d’avance, avec les trains de voitures à plateau y afférant. Puis l’utilisation de la roue à pneumatique, le charron se contentait de confectionner les trains d’essieux et les plateaux des charrettes, plus tard les bennes de camions.

 

 

Extraits textes :

DNA – A travers le Sundgau – Dimanche 15 avril 1979

L’Alsace – Léon GENSBITTEL, le doyen a 90 ans – Samedi 4 août 2001

Léon GENSBITTEL, le charron fabrique une roue à Hagenbach, film de Denis Kirnberger pour l'émission Super 8 France 3 Alsace